Quel est le SON d’un fischbrötchen?
La musique, synonyme d’inspiration, garante de bonne humeur et compagne quotidienne même des chefs étoilés et experts culinaires. Retrouvez ici leurs chansons préférées.
MAXIMILIAN LORENZ
Sur fond de hip-hop
Pratiquant chevronné de hip-hop dans sa jeunesse, le chef étoilé est aujourd’hui propriétaire du restaurant de luxe « maximilian lorenz », sis au pied de la cathédrale de Cologne. Le trentenaire propose une cuisine aux arômes audacieux sur fond de hip-hop allemand des années 90. Mais pas seulement : Lorenz est aussi adepte de pop italienne à la Eros Ramazzotti, en particulier lorsqu’il prépare son plat préféré : les spaghettis à la bolognaise.
Interviews : AYLA AMSCHLINGER, ANNA KAROLINA STOCK
Photos: Marvin Evkuran, Aryan Mirfendereski, Fabian Dietrich, Eva Runkel, Maximilian Lorenz, Valéry Kloubert, Lukas Jahn, Andreas Kolarik, Foodoholic/Florian Kaminski
Cuisiner est une activité créative qui sollicite tous les sens à l’élaboration comme à la dégustation. À quelle musique l’associez-vous ?
Ça dépend si je cuisine chez moi ou dans mon travail. Au restaurant, on travaille sans musique parce qu’on a besoin de la plus grande concentration possible. Pour la mise en place, c’est différent. J’ai désigné DJ de cuisine les collaborateurs qui ont les « meilleurs » goûts en musique (les plus proches des miens).
Qu’est-ce que vous font écouter vos DJ de cuisine ?
J’aime beaucoup la musique allemande et je peux vraiment m’emballer pour les vieux sons comme Max Herre, Blumentopf et Freundekreis. Idem pour Sido ou Johannes Oerding.
Et quand vous mangez avec des amis ?
Je suis très fan de jazz, de soul, de chillout et d’electro. Ce qui compte, c’est un fond sonore assez discret qui va vous faire facilement balancer la tête, mais sans s’imposer au point de gêner les conversations.
La musique peut-elle influencer la dégustation au point d’améliorer un plat ?
Je n’ai envie de musique italienne qu’avec des plats italiens. Les deux vont à merveille. Imaginez-vous : le soleil brille, vitello tonnato maison et petit Sauvignon Blanc du Tyrol, sur fond d’Eros Ramazzotti ou de Giovanni Zarrella. C’est un voyage instantané en Italie.
Vous avez entièrement réinterprété le fischbrötchen (NdT : sandwich au poisson). Quelle musique vous viendrait à l’esprit, pour l’illustrer ?
Je dirais Udo Lindenberg. Le fischbrötchen peut sembler un peu étrange à première vue, et puis quand on y goûte, c’est la révélation : « C’est trop bon, ne changez rien, surtout ! » C’est le même effet que quand Udo Lindenberg commence à chanter
Pour CUISINER
▸ Vinylshakerz One Night In Bangkok (techno/electro house)
▸ Snap! The Power (eurodance)
▸ SDP feat. Weekend Tanz aus der Reihe! (hip-hop)
Pour MANGER
▸ Buena Vista Social Club Chan Chan (son cubain)
▸ Max Herre A-N-N-A (hip-hop) Crédit photo :
▸ Eros Ramazzotti Più Bella Cosa (pop)
ANDREAS SENN
Rien de tel que la deep house
Le chef autrichien aux deux étoiles Michelin et quatre Hottes propose une cuisine innovante et légère. En mai 2020, il a ouvert l’établissement SENNS.Restaurant dans une ancienne fonderie à Salzbourg, offrant un concept d’intérieur et de dégustation radical. Au-dessus des tables, la dernière cloche fondue dans la fabrique rend hommage au passé. Autre vedette du lieu : la cuisine ouverte et son système BORA, trônant au milieu du restaurant et permettant aux invités de contempler le chef à l’ouvrage.
Vous et votre équipe écoutez de la musique en travaillant ?
Bien sûr. Toute la journée.
Vous chantez à voix haute par-dessus ?
Non, la plupart du temps, c’est de la deep house qui tourne en musique de fond, mais nous avons plusieurs playlists. La seule exception, c’est quand j’expérimente de nouveaux plats. Là j’ai besoin d’un calme absolu.
Quelle musique recommandez-vous pour un repas tranquille au restaurant avec des amis ?
Pour un bon repas, la musique est une composante importante. Idem pour l’éclairage. Il faut vous adapter au lieu. Un peu de deep house en fond, c’est toujours facile à écouter.
Et votre musique préférée ?
J’aime la musique qui met une bonne ambiance, sans être trop forte.
Pour CUISINER
▸ The White Stripes Seven Nation Army (rock)
▸ Tep No Me And My Guitar (electro)
▸ Master KG Jerusalema (afro house)
Pour MANGER
▸ Nora en Pure All I Need (electro)
▸ Worakls Salzburg (electro)
▸ Disciples On My Mind (house)
FLORIAN KAMINSKI
Une playlist pour la bonne humeur
Le chef berlinois de 25 ans est influenceur Instagram, auteur culinaire et fondateur de Foodoholic, un magazine en ligne associé à une application de nutrition. Sa cuisine se distingue par son accessibilité au quotidien, ses plats simples et son credo : « Mangez mieux, pas moins ! »
Avez-vous un plat préféré associé à une chanson en particulier ?
Oui, la pizza napolitaine maison, sur « Funiculì Funiculà ». J’y ai déjà dansé dans toute la cuisine, en attendant que la pizza cuise au four.
Vous écoutez toujours de la musique en cuisinant ?
Pas toujours, non. Dans les situations où il faut beaucoup réfléchir et où le stress est important, on baisse le son pour se concentrer sur le travail. Dans les situations plus détendues, en revanche, on met presque toujours de la musique dans notre cuisine de production et de test.
Et vous écoutez quoi ?
La plupart du temps, le mix de la semaine ou les favoris enregistrés sur Spotify. Ça peut être presque comique, notamment quand ça tombe sur « Zucker im Kaffee und Zitrone oder Sahne in den Tee » (Du sucre dans le café et du citron ou de la crème dans le thé) ou « Griechischer Wein » (Vin grec).
Vous aimez chanter par-dessus ?
J’aime généralement la musique assez consensuelle, style techno ou house, et plutôt entraînante. Mais même là, ça dépend toujours du lieu où je suis pour cuisiner. Pour aller jusqu’à chanter, il faut être avec de bons amis et être déjà un peu pompette ! Et comme je ne bois que très rarement, ce n’est souvent pas le cas.
Quelle musique aimez-vous mettre pour un dîner tranquille avec des amis ?
De la musique style Ibiza lounge ou du jazz. Ça dépend du type de repas. Depuis plusieurs années, j’organise un repas de Noël avec mes anciens coéquipiers de sport. En fin de soirée, tout passe, pas seulement de la musique lounge.
Pour CUISINER
▸ Ben Stereomode Secrecy (house)
▸ Tash Sultana Notion (indie)
▸ Marwa Loud Fallait pas (pop rap)
Pour MANGER
▸ Overture Black Mandala (dance electro)
▸ Tube & Berger, Alegant Cure (dance electro)
▸ Tash Sultana Jungle (indie)
JULIA KOMP
Tout sauf du rock
Julia Komp, 32 ans, compte parmi les plus jeunes chefs étoilés d’Allemagne, avec une première étoile Michelin décrochée à l’âge de 27 ans. Après de nombreuses distinctions et un voyage de plusieurs mois autour du monde, Julia dirige aujourd’hui le restaurant de fine dining Lokschuppen, dans le quartier de CologneMülheim, et le plus décontracté Anker 7. Tandis qu’elle tire ses nouvelles créations de la gastronomie orientale et asiatique, sa cuisine résonne de (presque) tous les styles musicaux, des plus grands tubes au style latino, en passant par le hip-hop
Cuisiner est une tâche créative. Avec tous les sens. Vous écoutez toujours de la musique en cuisinant ?
Oui, ça peut être à la radio ou sur une playlist. Sinon il manque quelque chose. J’ai grandi là dedans. La première chose que faisait ma mère le matin, c’était d’allumer la radio. Ça influence l’ambiance. Avec une bonne musique, on est de bien meilleure humeur. En particulier quand on peut associer telle ou telle chanson avec une bonne expérience.
Qu’est-ce que vous préférez écouter pendant que vous cuisinez ?
Il y a toujours quelque chose qui tourne dans la cuisine. Des chansons d’amour allemandes au rap français, en passant par la salsa ou même la musique de carnaval. La seule chose qui n’aille pas, c’est le rock. Ce style, on l’a banni par vote démocratique à dix contre un !
Des albums en particulier ?
En fait, on met la plupart du temps la radio locale 1LIVE ou 1LIVE DIGGI. Sur DIGGI, on entend aussi des chansons qui ne passent pas forcément sur les autres radios. Et le samedi, c’est malheureusement WDR2, avec la Bundesliga. Du coup, je prends ma pause de midi à ce moment-là.
Vous préférez la musique en fond ou est-ce que vous aimez chanter par-dessus ?
On chante par-dessus. Surtout sur la playlist qu’on met le dimanche soir pour ranger. C’est notre moment « années 90 », avec notamment *NSYNC et les Backstreet Boys.
Les cuisines de différents pays exigent-elles des musiques correspondantes ?
Exiger est peut-être un peu extrême. Mais ça passe bien, oui. Dans la playlist des fins de journée, au Lokschuppen, il y a toujours Desert Rose, de Sting, une chanson avec de fortes influences orientales.
Pour CUISINER
▸ Aya Nakamura Jolie nana (R&B)
▸ Topic ft. A7S Breaking Me (electro)
▸ Revolverheld Mit dir chilln (indie)
Pour MANGER
▸ Ali Gatie What If I Told You That I Love You (pop)
▸ Dennis Lloyd Nevermind (Alright) (pop)
▸ Robin Schulz, Wes Alane (electro)
FABIAN DIETRICH
Les dimanches ? Du classique !
Découvrir des cultures étrangères, vivre des aventures, collecter des arômes. Fabian Dietrich est un homme aux multiples passions. Il a fait de l’une d’elles son métier : cuisiner. Dans son blog culinaire « About Fuel », Dietrich disserte de polenta prunecardamome, de raviolis à la fraise et crème de menthe, et de la manière dont BORA Pure l’a sauvé.
Vous écoutez de la musique en cuisinant ?
Ah oui ! Ma cuisine n’est jamais entièrement silencieuse : quand ce n’est pas de la musique, c’est un podcast qui tourne. Ou alors, c’est que j’ai des amis chez moi et qu’on discute.
À quoi ressemble votre playlist personnelle ?
Ça dépend de mon humeur. Quand je dois préparer quelque chose rapidement, je me mets une musique de motivation pour me donner le coup de collier qu’il faut. Mais pour cuisiner une bolognaise tranquille le dimanche, je me mets de la musique classique pour me détendre. Le tout est de trouver une musique qui corresponde à la vitesse de travail qu’il faut. Pour remuer un risotto, on ne met pas une musique pour danser.
La musique influence votre cuisine ?
Eh bien, je n’épice généralement pas beaucoup mes plats. Seulement quand j’entends une chanson en particulier. Pour moi, cuisiner n’est pas un processus rigide, et c’est pareil pour la musique.
Comment composez-vous vos plats ?
J’ai une bibliothèque de saveurs en tête, dans laquelle je stocke tout ce que j’ai déjà mangé. Le goût d’un oignon mariné au vinaigre, au jus de citron, etc. Quand je cuisine ou développe des recettes, je jongle avec les différentes combinaisons de saveurs.
C’est un peu comme la création d’une playlist : on ajoute des chansons et, idéalement, il en ressort quelque chose de cohérent.
Ce n’est pas pour rien si on parle de symphonie du goût. Ou de notes gustatives. Je les pioche dans ma bibliothèque de saveurs et je mélange les ingrédients de base, les complexités et les états. L’harmonie doit sonner juste. Parfois, je remplace juste un ingrédient et tout le plat adopte une note complètement différente.
Un peu comme un remix ?
Exactement. Et ça plaît quand même à tout le monde. Les recettes classiques sont super, mais je préfère quand même cuisiner des plats qui fascinent et apportent de la nouveauté, plutôt que de jouer toujours la même chanson.
Pour CUISINER
▸ Harry Styles Cherry (pop)
▸ Drake Passionfruit (hip-hop)
▸ Frank Ocean Strawberry Swing (R&B)
Pour MANGER
▸ Sam Cooke Fool’s Paradise (soul)
▸ Majid Jordan Her (pop)
▸ The XX Angels (indie)